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» J’ai vu ces clairs éclairs passer devant mes yeux,
Et le tonnerre encor qui gronde dans les Cieux,
Où d’une, où d’autre part, éclatera l’orage.
J’ai vu fondre la neige, et ses torrents tarir,
Ces lions rugissants, je les ai vus sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir. »
» De la mer on s’attend à ressurgir au Port,
Sur la Terre aux effrois dont l’ennemi s’atterre:
Bref chacun pense à vivre, et ce vaisseau de verre
S’estime être un rocher bien solide, et bien fort.
Je vois ces vermisseaux bâtir dedans leurs plaines,
Les monts de leurs desseins, dont les cimes hautaines
Semblent presque égaler leurs coeurs ambitieux.
Géants, où poussez-vous ces beaux amas de poudre?
Vous les amoncelez? Vous les verrez dissoudre:
Ils montent de la Terre? Ils tomberont des Cieux. »
» Tandis que dedans l’air un autre air je respire,
Et qu’à l’envie du feu j’allume mon désir,
Que j’enfle contre l’eau les eaux de mon plaisir,
Et que me colle à Terre un importun martyre,
Cet air toujours m’anime, et le désir m’attire,
Je recherche à monceaux les plaisirs à choisir,
Mon martyre élevé me vient encor saisir,
Et de tous mes travaux le dernier est le pire.
A la fin je me trouve en un étrange émoi,
Car ces divers effets ne sont que contre moi :
C’est mourir que de vivre en cette peine extrême. »
» Voire, ce sont nos jours : quand tu seras monté
A ce point de hauteur, à ce point arrêté
Qui ne se peut forcer, il te faudra descendre.
Le trait est empenné, l’air qu’il va poursuivant
C’est le champ de l’orage : hé ! commence d’apprendre
Que la vie est de Plume, et le monde de Vent. »
» Qui sont, qui sont ceux-là, dont le coeur idolâtre
Se jette aux pieds du Monde, et flatte ses honneurs,
Et qui sont ces valets, et qui sont ces Seigneurs,
Et ces âmes d’Ebène, et ces faces d’Albâtre ?
Ces masques déguisés, dont la troupe folâtre
S’amuse à caresser je ne sais quels donneurs
De fumées de Cour, et ces entrepreneurs
De vaincre encor le Ciel qu’ils ne peuvent combattre ?
Qui sont ces louvoyeurs qui s’éloignent du Port ?
Hommagers à la Vie, et félons à la Mort,
Dont l’étoile est leur Bien, le Vent leur fantaisie ?
Je vogue en même mer, et craindrais de périr
Si ce n’est que je sais que cette même vie
N’est rien que le fanal qui me guide au mourir. »